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mardi 23 novembre 2010

Anthologie poétique sur le thème des animaux

Une anthologie poétique sur le thème des animaux

Préface, poésies et analyses pour constituer une anthologie poétique sur le thème des animaux

Préface :

Nous allons étudier une anthologie poétique, composée de dix poèmes, sur la thématique des animaux. Ce thème a en effet, et de tout temps inspiré de nombreux poètes.

C’est aussi un thème intéressant, car on peut observer comment les poètes utilisent les animaux, voire le symbolisme animalier en général dans le but de dénoncer les vices et les défauts des hommes, d'évoquer les amours perdues sur fond de guerre, les femmes, la condition du poète.

Notre anthologie s'ouvrira sur une poésie de Baudelaire intitulé « l'Albatros » extraite de la deuxième partie des Fleurs du mal, 1859 qui nous permettra d'étudier la condition du poète à travers l'Albatros.

Nous poursuivrons notre étude avec « Le Chat » qui reflète, de part son regard, l'image de la femme selon Baudelaire. C'est un poème extrait du recueil intitulé les Fleurs du mal en date de 1847.

Les deux fables de LA FONTAINE extraites des Fables, « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf » et « Le loup et l'agneau », nous permettrons, grâce au symbolisme animalier de dénoncer les vices et les défauts des Hommes.

Dans le genre poésie nouvelle du Calligramme inventé par Apollinaire, nous verrons que « La Colombe », du recueil Le bestiaire en date de 1911, suggère les amours perdues et la mélancolie sur fond de guerre.

« L’écrevisse » est un bref poème extrait du recueil Le bestiaire écrit en 1911 par Guillaume Apollinaire. Nous étudierons une comparaison entre l’écrevisse et le genre humain.

« L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours », est un poème extrait du recueil Contemplations écrit en 1856 par Victor Hugo. Nous verrons par le biais de ce poème, comment Victor Hugo compare les oiseaux aux humains.

« Chat » est un poème extrait du recueil Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux écrit en 1920 par Paul Eluard. Il est composé de deux quatrains et un tercet. Nous pourrons observer comment Paul Eluard met en évidence l’importance de la relation de l’homme avec le chat au travers de ses yeux.

« Pour faire le portrait d’un oiseau » est extrait du recueil intitulé Paroles écrit en 1945 par Jacques Prévert. Le travail du poème est comparable à celui d’un peintre, c’est donc une métaphore du peintre.

« L’abeille » est un sonnet tiré du recueil intitulé Charmes écrit en 1919 par Paul Valéry. Dans son poème composé de deux quatrains et deux tercets, l’auteur compare l’amour à une abeille, et l’abeille à l’amour.

L’albatros et la condition du poète

I) Présentation

Poème de jeunesse de quatre quatrains. Il s’agissait au départ d’une anecdote, une scène qu’il a vécue sur un des ports de bateaux sur lesquels il a voyagé.

Il aurait vu des marins martyriser un albatros.

Dans cette poésie, il évoque la condition du poète à travers une métaphore entre le poète et l’oiseau. Le récit est fondé sur des antithèses et le sentiment de l’exil a son importance.

II) Analyse

Le récit est cruel :

La poésie s’ouvre telle une narration, les personnages sont des hommes d’équipage et les albatros sont présentés comme les compagnons de voyage mais en fait ils sont victimes des hommes, ils sont maltraités.

Le verbe prendre du vers 2 nous montre que les albatros sont capturés et humiliés : on leur brule le bec, on l’agace, se moque de lui. Il est exilé sur le sol, on le torture. Il n’est pas respecté pour ce qu’il est, il n’est plus dans son élément.

Un récit basé sur une scène d’oppositions :

La poésie est basée sur une série d’oppositions « Rois de l’azur », « Maladroits et honteux », « Piteusement » et « Grandes ailes blanches ». Ses ailes sont comparées à des avirons, elles le gênent, « Comme des avirons traîner à côté d’eux ». Puis nous avons une autre opposition entre « Le voyageur ailé » et « Gauche et veule » ou encore « Naguère si beau » et « Comique et laid ». Le vaste oiseau des mers est à présent sur les planches il se métamorphose en infirme qui boîte, il est handicapé par ce qui faisait sa grandeur. Cette série d’oppositions illustre la noblesse de l’oiseau et la trivialité des hommes.

III) Le message du poète

La métaphore se prolonge tout au long du poème entre le poète et l’albatros, le dernier quatrain fait figure de conclusion à l’histoire racontée. L’albatros est un prétexte pour parler de la condition du poète « Le poète est semblable au prince des nuées ». Le poète se rapporte à tous les poètes en général il est au dessus des autres hommes, ces « rois de l’azur » : la métaphore du ciel renvoie les images de la beauté. Mais, cette poésie nous retourne l’image du poète maudit. Il peut s’élever plus haut et descendre plus bas que les autres hommes. Le poète est tel un exilé, il n’est pas à l’aise avec les autres hommes. Il est la risée des hommes. Il est en proie à l’incompréhension du vulgaire. Il n’est pas fait pour être avec le peuple. L’animal Chat : métaphore de la femme

Le chat de Baudelaire

I) Présentation

Les Fleurs du Mal regroupent quatre poèmes sur le chat : un vante la puissance et la beauté du chat, un autre la beauté de son « chant » et encore un autre pour l’assimilé à un objet érotique.

Celui qui nous intéresse est issu de la première section du recueil, Spleen et Idéal, il a un rôle important car il permet au poète de proposer à travers l’animal, une métaphore de la femme.

Ce poème suit la structure traditionnelle du sonnet en ce qui concerne la succession strophique des deux quatrains et des deux tercets mais opère un bouleversement dans la structure des vers et des rimes. L’alternance d’un décasyllabe et d’un octosyllabe, parallèlement à l’éclatement partiel du schéma rimique (ABBA.ABBA.CDCDCC) font de ce sonnet un texte particulier entre héritage et innovation.

II) Analyse

L’animal « Chat » est une métaphore de la femme, nous le voyons à trois niveaux :

- Les éléments du sonnet référant à l’animal réel : Il faut partir du premier terme « chat » qui permet ensuite la description : « Les griffes de ta patte », « Tes beaux yeux », « Caressent ». Cela renvoie à l’activité de l’homme sur l’animal les termes sont évocateurs de la figure du chat.

- L’humanisation du chat : Nous avons un processus comparatif. On peut dire que le chat fait l’objet d’une humanisation. Il est en fait comparé à la femme du poème. « Son regard/comme le tien ».

- Le chat est porteur de rêves.

Le chat est l’objet de désir à deux niveaux : Il suggère l’érotisme (rapport charnel) et la sensualité.

III) Le message du poète

De manière analogique, le regard du chat est assimilé à celui de la femme : « Je vois ma femme en esprit. Son regard, comme le tien, aimable bête, profond et froid, coupe et fend comme un dard. »

L’aspect insaisissable de la femme parfois fourbe est ainsi mis en évidence, la femme tel le chat sait être fuyante, fourbe, froide voire même dangereuse, « Un dangereux parfum ». Symbolisme animalier : dénonciation des vices et des défauts humains

La grenouille de La Fontaine
I) Présentation

Dans cette fable, La Fontaine met en scène une grenouille qui symbolise la vanité des hommes. Il s’agit d’une histoire connue. En outre, le genre se sert souvent de la personnification d’animaux pour critiquer les défauts humains.

Analyse de la fable à faire

Le loup et l'agneau, La Fontaine :

I) Présentation

 
Cette fable allie tradition et innovation. La Fontaine prend parti pour les anciens dans la querelle des anciens et des modernes. C’est pourquoi, il s’inspire d’auteurs antiques - Esope et Phèdre - pour créer sa fable. Cependant, afin de rendre sa fable plus constructive, le fabuliste cultivé élabore un récit original et plein d’agréments.

Analyse de la fable à faire

Apollinaire, le bestiaire, "la colombe"

I) Présentation

Il s’agit d’un calligramme extrait du recueil intitulé « Le bestiaire » écrit sur le front pendant la première guerre mondiale. Le sous titre du recueil Calligrammes est « Poèmes de la paix et de la guerre ». Ami des peintres cubistes (Picasso, Braque) il essaie de créer une écriture nouvelle en jouant avec l’espace de la page, le calligramme est une invention d’Apollinaire.

II) Analyse

La colombe est un oiseau emblématique de la paix et de l’amour, celui-ci est poignardé. D’ailleurs le vers 1 est brisé au milieu par la disposition de « Poignardées » et le C majuscule.


La guerre a détruit les relations affectueuses qu’avait le poète « Douces figures poignardées ». Cette strophe suggère la colombe jaillissant au dessus du jet d’eau mais aussi l’oiseau terrassé au sol.

III) Message du poète

Malgré la mise en page surprenante ce poème s’inscrit par sa thématique dans la tradition de la poésie élégiaque traditionnelle.

La colombe nous renvoie au thème des amours perdues, de la mélancolie. Nous pouvons à cet effet noter l’importance des prénoms féminins « Mia, Mareye, Yette, Lorie, Annie (il s’agit d’Annie Playden dont le poète fut amoureux) et Marie. »

Le thème des amours perdues est associé aux thèmes de la guerre et de la souffrance.

Le calligramme devient donc un poème-objet. L’écrevisse : connotation du genre humain

L'écrevisse, Apollinaire

I) Présentation

L’écrevisse est un poème composé de quatre quatrains issu du recueil « Le bestiaire » écrit en 1911 par Guillaume Apollinaire.

Ce poème est une étude comparative de l’animal, l’écrevisse avec le genre humain.

II) Analyse

Ce poème est une étude comparative de l’animal écrevisse avec le genre humain, ce dernier est évoqué au vers 2 « Vous et moi, nous nous en allons ». Et mis en rapport avec les écrevisses à l’aide du comparatif « comme ». Cette brève poésie est construite sur un jeu d’oppositions au niveau des verbes d’action, aller et reculer. « Nous nous en allons », « A reculons, a reculons. ».

III) Message du poète

Devant l’incertitude de la vie, le poète veut nous faire un clin d’œil et nous dire que quelque fois au lieu d’avancer nous reculons telles les écrevisses. « Vous et moi nous nous en allons » ; « A reculons, a reculons. » Nous voyons qu’un aperçu dans ce bref et court poème. L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours : connotation du genre humain

L'hirondelle : Victor Hugo

I) Présentation

L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours, est un poème de Victor Hugo extrait du recueil « Contemplations », écrit en 1856.

II) Analyse

Victor Hugo compare les oiseaux qui cachent leurs nids pour faire naître leurs bébés aux humains qui cachent leurs amours. Nous pouvons voir au vers 14 « L’oiseau cache son nid, nous cachons nos amours. »

Les rimes de ce poème sont des rimes plates. (AABB)

III) Message du poète

Nous trouvons dans cette poésie un rapport analogique entre l'animal et l'homme ou plus particulièrement entre l'oiseau et l'homme. Tout comme l'hirondelle et la fauvette cherchent à faire leur nid loin et à l'abri des hommes, l'homme lui-même recherche la paix et la tranquillité, il est sans cesse en proie, en quête de sécurité, il fuit l'autre pour construire et vivre ses amours à l'abri des regards malveillants :

« Nous, nous cherchons, dans la ville,

Le coin désert, l'abri solitaire et tranquille,

Le seuil qui n'a pas d'yeux obliques et méchants... »

L'homme n'est donc pas si différent de l'oiseau qui par instinct de vie et de conservation fuit et cherche à s'isoler des autres hommes. Il incarne ici la menace pour l'homme et le réflexe animal de retrait se retrouve aussi chez l'homme qui estime que l'homme doit se préserver de l'autre : « nous cachons nos amours », « volets fermés ».

L'animal incarne l'intelligence instinctive de l'homme qui par souci de survie sait se préserver.

Chat, paul Eluard

Chat : Relation de l’homme avec l’animal

I) Présentation

Chat est un poème composé de deux quatrains et un tercet, extrait du recueil intitulé « Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux » écrit en 1920 par Paul Eluard.

II) Analyse

Paul Eluard met en évidence l’importance de la relation de l’homme avec le chat au travers de ses yeux. Ses yeux qu’il ne peut cacher, il dit aussi que lorsque que le chat pense il pense jusqu’aux murs de ses yeux qui reflètent ses expressions.

III) Message du poète

Il s'agit de prendre conscience de l'importance pour l'homme de garder et d'avoir un contact avec l'animal mis en valeur par son regard esthétique. Le contact primordial avec l'animal chat domine, « Pour ne poser qu'un doigt dessus. »

Les aspects mystérieux de l'animal qui fascinent l'homme sont : le regard et le mystère de cet animal de nuit, car je cite :

« Mais, la nuit l'homme voit ses yeux

Dont la pâleur est le seul don. »

Nous avons en fait la relation envisagée dans la réciprocité, l'homme et le chat et le chat et l'homme. Pour faire le portrait d'un oiseau : métaphore du peintre

Jacques Prévert, "paroles"

I) Présentation

Ce poème est extrait du recueil « Paroles » écrit en 1945 par Jacques Prévert.

Le travail du poème est comparable à celui d’un peintre, c’est une métaphore du métier de l’artiste.

II) Analyse

Ce poème nous transporte dans un monde proche du rêve surréaliste. Le travail de l’artiste, qu’il soit poète, musicien, peintre, est de créer des associations inattendues et surprenantes. Ce qui met son rêve à la portée de tous, c’est sa façon de coller à la nature, de rester simple, de ne pas s’enfermer dans les conventions et les écoles. L’oiseau pour Jacques Prévert, est encore une fois ici le symbole de la liberté de l’indépendance d’esprit qui seules permettent d’être vraiment original et talentueux.

III) Message du poète

L'oiseau est symbole de la vie, il y a d'un côté, l'oiseau vivant incarnant la réalité et l'oiseau peint, incarnant la réalité retranscrite par l'artiste peintre. L'artiste doit s'accorder avec la nature pour la peindre, pour la recréer, le peintre désireux de peindre l'oiseau doit tout d'abord saisir du regard et du cœur l'animal vivant avant de pouvoir le recréer sur la toile. Donc, l'oiseau est ici la muse inspiratrice du peintre qui s'il sait voir peut retranscrire la vraie vie dans ce qu'elle a de plus profond. L’abeille : analogie entre l’abeille et la femme



Paul Valéry, "charmes"

I) Présentation

Ce poème est un sonnet tiré du recueil « Charmes » écrit par Paul Valery en 1919. Dans son poème composé de deux quatrains et deux tercets, Paul Valery compare l’amour à une abeille et compare l’abeille à l’amour.

II) Analyse

L’auteur compare l’amour à une abeille et compare l’abeille à l’amour, « Pique du sein la gourde belle, sur qui l’amour meurt ou sommeille » Paul Valéry veut nous montrer que l’amour peut être douloureux comme la piqûre d’une abeille il parle d’un mal vif. L’amour reste toujours vainqueur et il parle de tourment bien terminé. Pour illustrer l’abeille et l’amour, il parle d’alerte d’or comme un trésor aux couleurs jaune d’or.


III) Message du poète

L’analogie du poème est nette entre l’abeille et la femme, au travers de la description de l’amour que fait l’auteur. « Sur qui l’amour meurt ou sommeille » et « Sans qui l’amour meurt ou s’endort. »

Nous pouvons observer le champ lexical de l’amour, « mortelle », « belle », « tendre » et « chair ».


Les poésies à lire pour l'anthologie sur le thème des animaux




Chat

Pour ne poser qu'un doigt dessus

Le chat est bien trop grosse bête.

Sa queue rejoint sa tête,

Il tourne dans ce cercle

Et se répond à la caresse.



Mais, la nuit l'homme voit ses yeux

Dont la pâleur est le seul don.

Ils sont trop gros pour qu'il les cache

Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.



Quand le chat danse

C'est pour isoler sa prison

Et quand il pense

C'est jusqu'aux murs de ses yeux.


Paul ELUARD - Chat - Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux (1920). Le chat


Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;

Retiens les griffes de ta patte,

Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

Mêlés de métal et d'agate.



Lorsque mes doigts caressent à loisir

Ta tête et ton dos élastique,

Et que ma main s'enivre du plaisir

De palper ton corps électrique,



Je vois ma femme en esprit. Son regard,

Comme le tien, aimable bête,

Profond et froid, coupe et fend comme un dard,



Et, des pieds jusques à la tête,

Un air subtil, un dangereux parfum,

Nagent autour de son corps brun.

Charles Baudelaire - Le Chat - Les Fleurs du mal (1947)


 Guillaume APOLLINAIRE - La Colombe - Le bestiaire (1911) L’écrevisse

Incertitude, ô mes délices,

Vous et moi nous nous en allons,

Comme s'en vont les écrevisses,

A reculons, à reculons


Guillaume APOLLINAIRE - L’écrevisse - Le bestiaire (1911) L'hirondelle au printemps cherche les vieilles tours

L'hirondelle au printemps cherche les vieilles tours,

Débris où n'est plus l'homme, où la vie est toujours ;

La fauvette en avril cherche, ô ma bien-aimée,

La forêt sombre et fraîche et l'épaisse ramée,

La mousse, et, dans les nœuds des branches, les doux toits

Qu'en se superposant font les feuilles des bois.

Ainsi fait l'oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville,

Le coin désert, l'abri solitaire et tranquille,

Le seuil qui n'a pas d'yeux obliques et méchants,

La rue où les volets sont fermés ; dans les champs,

Nous cherchons le sentier du pâtre et du poète ;

Dans les bois, la clairière inconnue et muette

Où le silence éteint les bruits lointains et sourds.

L'oiseau cache son nid, nous cachons nos amours.

Victor HUGO, L'hirondelle au printemps cherche les vieilles tours - Contemplations (1856)


 L'albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.



A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.



Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !



Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.


Charles BAUDELAIRE - L’albatros - La ménagerie de Tristan(1859) L’abeille



Quelle, et si fine, et si mortelle,

Que soit ta pointe, blonde abeille,

Je n’ai, sur ma tendre corbeille,

Jeté qu’un songe de dentelle.



Pique du sein la gourde belle,

Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,

Qu’un peu de moi-même vermeille,

Vienne à la chair ronde et rebelle !



J’ai grand besoin d’un prompt tourment :

Un mal vif et bien terminé

Vaut mieux qu’un supplice dormant !



Soit donc mon sens illuminé

Par cette infime alerte d’or

Sans qui l’Amour meurt ou s’endort !


Paul VALERY - L’abeille - Charmes (1919) Pour faire le portrait d'un oiseau

Peindre d’abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite

quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d’utile

pour l’oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l’arbre

sans rien dire

sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite

mais il peut aussi bien mettre de longues années

avant de se décider

Ne pas se décourager

attendre

attendre s’il le faut pendant des années

la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau

n’ayant aucun rapport

avec la réussite du tableau

Quand l’oiseau arrive

s’il arrive

observer le plus profond silence

attendre que l’oiseau entre dans la cage

et quand il est entré

fermer doucement la porte avec le pinceau

puis effacer un à un tous les barreaux

en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau

Faire ensuite le portrait de l’arbre

en choisissant la plus belle de ses branches

pour l’oiseau

peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

la poussière du soleil

et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été

et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter

Si l’oiseau ne chante pas

c’est mauvais signe

signe que le tableau est mauvais

mais s’il chante c’est bon signe

signe que vous pouvez signer

Alors vous arrachez tout doucement

une des plumes de l’oiseau

et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

Jacques PRÉVERT - Pour faire le portrait d'un oiseau - Paroles (1945) La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf

Une Grenouille vit un Bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,

Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,

Pour égaler l'animal en grosseur,

Disant : « Regardez bien, ma sœur ;

Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?

- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?

- Vous n'en approchez point. » La chétive pécore

S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de LA FONTAINE - La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf - Fables (1668) Le loup et l’agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure :

Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Un Agneau se désaltérait

Dans le courant d'une onde pure.

Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,

Et que la faim en ces lieux attirait.

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?

Dit cet animal plein de rage :

Tu seras châtié de ta témérité.

Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté

Ne se mette pas en colère ;

Mais plutôt qu'elle considère

Que je me vas désaltérant

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;

Et que par conséquent, en aucune façon,

Je ne puis troubler sa boisson.

Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?

Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère

Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.

Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens :

Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos Bergers et vos Chiens.

On me l'a dit : il faut que je me venge. »

Là-dessus, au fond des forêts

Le loup l'emporte et puis le mange,

Sans autre forme de procès.



Jean de LA FONTAINE - Le loup et l’agneau - Fables (1668)

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